High Fidelity : selected tracks

Le 14 février 2020, la série High Fidelity  débarquait sur la chaîne Hulu, une première saison en dix épisodes. Adaptée du roman éponyme de l’auteur britannique Nick Hornby, d’ailleurs producteur exécutif de la série, et publié en 1995, l’histoire se situe cette fois-ci à New York, dans le quartier Crown Heights de Brooklyn. Rob (Robyn) Brooks, 29 ans, interprétée par Zoë Kravitz, y est propriétaire d’un disquaire, le Championship Vinyl, qui survit tant bien que mal. Simon Miller et Cherise, interprétés par David H. Holmes et Da’Vine Joy Randolph, y travaillent également, même si  c’est plutôt une façon pour Rob de dépanner ses deux amis. Simon est en réalité son petit ami n°3, ils s’entendaient vraiment bien, mais il se trouve que Simon préfère les garçons. Cherise, elle, c’est une artiste en herbe qui se cherche, elle a donc ses humeurs et apparaît quand bon lui semble. Drôle, pleine de vitalité et de répartie, Randolph est incroyable dans ce rôle.

Rob a également un frère, Cameron Brooks, interprété par Rainbow Sun Francks, sur le point de devenir père pour la première fois. Tous ces personnages constituent son entourage proche. Et puis il y a Mac (Russell McCormack), interprété par Kingsley Ben-Adir. À la base un ami de son frère, ils formaient un couple heureux jusqu’à leur rupture douloureuse il y a un an de ça. On vous laisse découvrir la bande-annonce.

On peut s’en douter, la musique tient une place importante pour Rob, elle fait écho à chaque moment de sa vie, c’est une manière pour elle d’exprimer ce qu’elle n’arrive pas à décrire avec de simples mots. Comme le dit si bien Keith Richards : “Music is a language that doesn’t speak in particular words. It speaks in emotions, and if it’s in the bones, it’s in the bones”.

Avec une bande-son des plus éclectiques et pas moins de 150 titres on en a sélectionné pour vous une dizaine.

ÉPISODE 1

Cela fait déjà un an que Rob et Mac ne sont plus ensemble et apparemment Clyde, interprété par Jake Lacy, est son premier vrai rancard depuis tout ce temps. Alors qu’ils sont tranquillement en train de boire un verre dans l’arrière salle d’un bar on peut entendre la chanson Somebody Help Me d’Otis Brown en fond sonore. Le choix de ce titre est assez drôle et se prête parfaitement à la situation puisque Rob, n’en pouvant plus, feint d’aller aux toilettes histoire de filer en douce avant de se rendre compte, une fois dans la rue, qu’elle a oublié son téléphone portable sur la table. Elle y retourne donc l’air de rien.

Otis Brown est né en 1942 à Memphis Tennessee. Suite à des problèmes d’asthme, sa famille déménagera plusieurs fois avant de poser définitivement ses valises à Chicago afin qu’Otis puisse y suivre un traitement. Il grandira dans le quartier foisonnant, à l’époque, d’Englewood, où il fit ses premières armes.

Somebody Help Me est à retrouver dans l’album compilation Southside Chicago, paru en 2018.

Durant l’épisode Rob passe en revue la liste de ses cinq plus mémorables chagrins d’amour. Simon fait partie de la liste, ce qui ne les a pas empêchés de rester très bons amis par la suite. Sans grande surprise, Mac a été sa rupture la plus difficile. À la fin de l’épisode, on apprendra d’ailleurs qu’avant de rejoindre Clyde, elle a inopinément croisé Mac dans la rue alors qu’elle pensait celui-ci toujours à Londres. Un moment assez gênant. L’épisode se termine avec le titre I Can’t Stand the Rain d’Ann Peebles. Dehors il pleut. Rob est assise dans son salon à se remémorer les doux souvenirs passés avec Mac, son plus grand amour. Pourquoi ça a mal fini ? Elle se le demande elle-même.

I Can’t Stand the Rain figure sur l’album I Can’t Stand the Rain  d‘Ann Peebles sorti en 1974 sur le label Hi Records, un label de musique soul et  rockabilly basé à Memphis Tennessee.

Écrite et enregistrée un an auparavant, c’était, dit-on,  une des chansons préférées de John Lennon.

Peebles, née en 1947 et originaire de St Louis Missouri, va connaître à 27 ans l’un de ses plus grands succès. Le titre décrochera même à l’époque la 38ème place dans le US Billboard Hot 100.

ÉPISODE 4

Rob en est à un point où elle se demande comment elle a fait pour en arriver là, seule. Est-elle condamnée à être rejetée ? Durant l’épisode, elle va essayer de reprende contact avec ses ex, la fameuse liste des cinq, et tenter d’analyser pourquoi ses anciennes relations ont mal tourné. Une fausse bonne idée. L’épisode se termine avec la chanson It Ain’t Easy de David Bowie, un euphémisme.

It Ain’t Easy de David Bowie fait partie de l’album The Rise and Fall of Ziggy Stardust and The Spiders from Mars, sorti en 1972 au Royaume-Uni sur le label RCA Records.

5ème album studio du musicien anglais, le titre détonnera d’ailleurs un peu du reste puisque c’est l’unique reprise de l’album. À l’origine une chanson de Ron Davies, artiste de Louisiane, parue en 1970, sur le 33 tours Silent Song Through the Land.

ÉPISODE 6

Rob a beau être perdue dans ses histoires d’amour, elle n’en reste pas moins une fille dans le vent, qui sort presque tous les soirs. Rien d’étonnant à ce qu’elle rencontre des artistes et finisse la soirée avec l’un d’eux. C’est le matin, elle se réveille chez une rock star, il a 19 ans, elle en a 29. Alors qu’ils prennent un café, la chanson Sheebeen Queen de Rikki Ililonga retentit doucement.

Né en 1949, Rikki Ililonga a 15 ans lorsque la Zambie accède à l’indépendance en 1964. Il se fait connaître au début des années 70’s avec son groupe de musique Musi-O-Tunya avant de poursuivre une carrière solo. Pionnier du Zamrock, des sons funk et rock psychédélique associés aux rythmes traditionnels africains, ses influences vont de Jimi Hendrix à James Brown en passant par les Rolling Stones.

Arrangements de sons que l’on retrouve sur Sheebeen Queen, chanson du LP Zambia sorti en Zambie, en 1975.

ÉPISODE 7

Rob est dans un bar pour célébrer la dernière Hurah Party de son frère qui va bientôt devenir papa et pense pour faire simple que sa vie telle qu’il l’a connue est juste finie. Cameron est un vrai fêtard et se trouve un peu déboussolé face au nouveau rôle qui l’attend. Il décide donc de fêter cela comme il se doit, un tour d’adieu, qui va monter crescendo en zizanie générale. Alors qu’elle tente de raisonner son frère, on peut entendre Sam Dees et la chanson Claim Jumpin’.

Originaire de Birmingham Alabama, Sam Dees est tour à tour chanteur de soul, auteur compositeur et producteur de musique. La chanson Claim Jumpin’ voit le jour une première fois, en single, en 1972, chez ClinTone Records, avant d’apparaître sur l’album The Show Must Go On, sorti en 1975 chez Atlantic Records. Album qui marquera un tournant dans la carrière de Sam Dees.

ÉPISODE 8

Dans cet épisode c’est au tour de Simon de faire la liste de ses cinq plus mémorables chagrins d’amour. Vous allez voir la liste est surprenante.  Au cours de son récit un fracassant When I Get Home du groupe The Innocents vient nous percuter.

Groupe de Power Pop originaire de Hobart en Tasmanie et créé en 1975, ils se font d’abord connaître sous le nom de scène Beathoven avant de devenir The Innocents. Ils vont gagner une certaine popularité à la fin des années 70’s en Australie, mais qui ne dépassera jamais les frontières du pays, le groupe n’ayant publié aucun album à international. C’est chose faite, en 2000, avec la compilation No Hit Wonders From Down Under sortie chez Zip Records. Dessus, le titre When I Get Home.

ÉPISODE 9

Comme ils en ont souvent l’habitude, Rob, Simon et Cherise vont prendre un verre après le boulot. Assis au bar, les deux amis se rendent soudainement compte qu’ils ont oublié de fêter l’anniversaire de Rob. Ses trente ans ! Le tout sous l’instrumental Try Me des Witch.

Autre représentant éminent du Zamrock, le groupe WITCH, acronyme de We Intend to Cause Havoc que l’on pourrait traduire par « nous avons l’intention de faire des ravages ».

Try est un instrumental présent sur l’album Introduction, leur premier album studio, sorti en 1973 chez Zambia Music Parlour. Le groupe est alors un des plus populaires de Zambie, mais il ne résistera pas aux difficultés économiques et sociales du pays, à l’épidémie de sida et à un gouvernement de plus en plus autoritaire. Comme la plupart des formations musicales de l’époque, il tombe peu à peu dans l’oubli.


ÉPISODE 10

Le frère de Rob débarque chez Championship, il a l’air plus qu’énerver. À ce stade, on connait déjà les tenants et aboutissants de sa rupture avec Mac. Don’t Let Me Be Misunderstood de Nina Simone résonne ici comme une évidence.

Don’t Let Me Be Misunderstood figure sur l’album  Broadway – Blues – Ballads, enregistré à New York en 1964. À cette date, Nina Simone a déjà une dizaine d’albums à son actif, son premier album Little Blue Girl, est sorti en 1958. Née en 1933 après la Grande Dépression, elle grandira en Caroline du Nord, un État ségrégationniste du Sud des États-Unis. Eunice Kathleen Waymon se rêvait en première pianiste classique noire. Elle joue du Bach, du Rachmaninov, sur le bout des doigts. Elle auditionne au concours du prestigieux Curtis Institute of Music de Philadelphie, mais essuiera un refus, malheureusement, sans doute, du fait de sa couleur de peau. Qu’à cela ne tienne, Eunice devient Nina Simone et enchaîne les succès. 1964 marque un tournant dans sa carrière. Elle passe chez Philips Records et milite de plus en plus ouvertement pour la défense des Droits Civiques. Elle côtoie Bob Dylan, Martin Luther King ou encore Malcom X. L’Amérique est à feu et à sang. Le président John Fitzgerald Kennedy s’est fait assassiné à Dallas Texas, quelques mois plus tôt, le 22 novembre 1963, et les suprématistes blancs se croient tout permis.

Broadway – Blues – Ballads fait suite à Nina Simone in Concert, album live enregistré au Carnegie Hall de New York en mars et en avril 1964.  Pour la première fois, Nina Simone y abordera le sujet des inégalités raciales aux États-Unis dans la chanson Mississippi Goddam. C'était sa réponse au meurtre de Medgar Evers le 12 juin 1963 (militant américain des Droits Civiques dans le Mississippi et ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale) et à l'attentat du 15 septembre 1963 perpétré contre une église baptiste, à Birmingham  Alabama, qui tua quatre jeunes filles noires et en rendit une cinquième partiellement aveugle.

Mississippi Goddam, sortie en single, fut boycottée dans certains États du sud. Des copies promotionnelles, détruites par une station de radio de la Caroline, furent même renvoyées à Philips. C’est dans ce contexte tendu, que dans la foulée sort l’album Broadway – Blues – Ballads avec donc, ce merveilleux Don’t Let Me Be Misunderstood, chanson écrite par Bennie Benjamin, Horace Hott et Sol Marcus.

Ça y est ! La famille Brooks s’agrandit. Rob se rend à l’hôpital faire connaissance avec sa nièce. L’émotion est d’autant plus palpable accompagnée du titre Baby Where You Are de Ted Lucas.

Ted Lucas fut un pilier de la scène musicale de Détroit durant les années 60’s et 70’s. À l’origine de multiples formations, cela lui arrive de faire les premières parties des Eagles ou encore de Frank Zappa.  Musicien hors pair, il participe également  à l’enregistrement de nombreuses Sessions  Motown en tant que guitariste ou harmoniciste. Il apparaît ainsi sur les albums des Temptations ou des Supremes pour ne citer qu’eux. En 1975, il autoproduira un album solo, Ted Lucas, qui reçut peu d’attention à l’époque. Ressorti en 2010, chez Yoga Records, voici Baby Where You Are, un des titres de l’album.

Une fois n’est pas coutume c’est au tour de Cherise de faire la fermeture quand elle reçoit une livraison inattendue de la part de Rob. Un cadeau pour  « se réinventer » et se réaliser pleinement en tant qu’artiste. Y arrivera-t-elle ?  Les Funkadelic se le demandent aussi avec le titre Can You Get To That. Nous, on n’a aucun doute !

Funkadelic  est un groupe de funk américain formé par George Clinton en 1964. Maggot Brain est leur troisième album studio, enregistré à Détroit et sorti en 1971 chez Westbound Records. En 2003, le magazine Rolling Stone incluera Maggot Brain dans sa liste des 500 meilleurs albums de tous les temps. La chanson Can You Get To That, présente sur l’album, contient des éléments de folk blues et de musique gospel, notamment dus à la participation des Hot Buttered Soul, le groupe vocaliste d’Isaac Hayes.